⏣ Elaboration d'une grille d'entretien pour la réalisation de bilans psychologiques en périnatalité
Introduction :
Objectif de l’entretien-bilan d’entrée
L’entretien ‘bilan-d’entrée’ est effectué à l’occasion d’une ou deux VAD si possible le moins de temps après le début de la prise en soin.
L’objet de ce bilan est de pouvoir, à l’issue de celui-ci, discerner :
-d’éventuels troubles de type dépression puerpérale
-des troubles autres, le degré d’anxiété, la nature des angoisses
-la nature du lien mère-enfant, l’éventuel besoin d’étayage
-le contexte de la grossesse
-la nature de la rationalité des parents
-le rapport à la pathologie ou à ce qui a déterminé la prise en soin du nourrisson
Nous avons décidé de mettre en place une grille d’entretien où l’expérience de la grossesse se trouve être au centre, former une ligne rouge à partir de laquelle différents thèmes, différentes préoccupations peuvent être abordées. En somme, l’objet est de s’attacher à l’histoire du vécu, du point de vue du parent ou des parents, de la grossesse, de l’accouchement et du vécu après accouchement. Il s’agit donc d’une approche par le vécu, par l’expérience.
L’entretien détermine donc si la grossesse était planifiée, comment elle a été conscientisé, l’effet de l’annonce de la grossesse, le degré des maux associés (vomissements, nausées, douleurs au dos, aux jambes, etc.), la survenue d’éléments traumatiques ou au moins indésirable, le vécu de l’accouchement. Des éléments vicariants peuvent être étudiés : le vécu d’autres grossesses, le vécu familial. Ce dernier point est majeur, l’entretien va déterminer la nature des liens familiaux, l’étayage familial existent ou l’étayage social, la capacité à saisir et soutenir la relation avec l’enfant.
La relation mère-enfant avec ce bébé sera replacée dans l’histoire de vie, dans un parcours de vie et la façon dont ce dernier se reconstruit avec cette grossesse gagnera aussi à être déterminé.
D’autres éléments sont par ailleurs investigués afin de croiser les données avec les autres professionnels de l’équipe : nutrition par allaitement ou non, présence de rejets, nature de la prise en charge après la HAD.
Notons que cet entretien et cette grille, selon-nous entrent de plein pieds dans ce que le « Plan périnatal français 2005-2007 » prescrivait en termes de pratiques mais aussi ce qu'il impliquait en termes de travail en réseau, dans lequel s'inscrit la HAD (Gonnaud, 2011 ; Molénat, 2016 ; Dugnat, 2007) dans lequel le ou la psychologue nous paraissent être les grand.es absent.es. Les constats d'absence de formation des sages-femmes à réaliser des entretiens précoces prennent ici une tournure dont notre expérience et plus encore celle de millions de mères gardent un goût amer.
Formalisation de la grille
Les exigences administratives nous ont obligés à construire une grille afin de chiffrer (chiffrer était la seule demande formelle qui nous a été adressée), c’est-à-dire de traduire en chiffres la situation du patient.
Nous avons donc profité de cette contrainte pour élaborer une grille d’entretien plus formelle que nous allons à présent détailler.
Cette grille n’a pas valeur de grille de recueil scientifique, il s’agit de catégoriser les éléments recueillis, d’éventuellement soutenir la réflexion du professionnel d’une part, de soutenir cette réflexion envers le collectif à l’aide d’éléments quantifiables d’autre part.
La grille n’a pas été pensée pour orienter l’entretien lors des bilans d’entrée. L’entretien gagne à être un entretien non directif ou au moins semi-directif avec, le plus possible, dans notre pratique, de marges laissées à la parole du patient. D’un autre côté, beaucoup de mères ne se saisissent pas immédiatement ou peinent à se saisir de l’ espace symbolico-temporel que nous leur proposons ; il est parfois nécessaire d’effectuer des relances tout en s’attendant à ne recueillir que peu d’éléments de discours et donc peu d’éléments signifiants. La grille peut alors servir de guide. Elle peut aussi servir, lorsque les patientes verbalisent au contraire en quantité, à s’assurer de la présence de certains éléments. En effet, la cotation doit selon nous s’effectuer en fonction des éléments explicitement recueillis et non en fonction (ou au minimum) de ce qui semble pouvoir être interprété.
La grille est centrée sur la relation mère-enfant(s) et le vécu maternel de la grossesse. Le vécu paternel peut éventuellement, de ce que nous avons observés, venir compléter les éléments mais c’est assez rarement le cas.
2-Présentation de la grille
2.1-le bilan social ou « évaluation générale »
Grille bilan d’entrée - Analyse et explications
Cette grille se divise en trois parties : une partie sociale (7 items), une partie investiguant les signes de DPP (14 items) et une dernière relative aux signes de PPP (8 items). Les scores pour chaque partie n’ont qu’une valeur indicative.
Détail des items
1-Mère en couple
2-Soutien communautaire
3-Soutien éducatif
4-Familles des parents
5-Lieu de vie "classique"
6-Pacours nat/culturel sans rupture
7-Situation économique stable
La cotation de ces items est : oui – étayage faible – non. Ici, le ‘oui’ va dans un sens plutôt ‘positif’ c'est-à-dire dans le sens d'une hypothèse d'absence de problématique lourde et le 'non' est plutôt signe de vigilance. « en ce qui concerne les pressions externes pouvant peser sur l’établissement du lien mère-enfant et grever les ressources psychiques de la mère, citons notamment les situations sociales très précaires (logement inadéquat ou exigu ; revenus faibles ou inexistants ; désinsertion sociale ; mère célibataire sans soutien familial ; dyade isolée ; grossesses multiples, rapprochées et non désirées, etc.). Ces différents facteurs constituent des facteurs à risque nécessitant une évaluation prudente et non stigmatisante, la collaboration fonctionnelle avec l’assistante sociale de l’hôpital étant ici d’un intérêt majeur » affirmait par exemple Galley-Raulin en 2007.
L’item 1 (un second item, sur ce versant, existe, mais n’est pour l’instant pas utilisé) vise à savoir dans quelle mesure la mère est ou non en couple. Il ne s’agit pas tant de savoir si le père de l’enfant est présent mais si elle est dans une situation de couple : l'effet du célibat est tel que Dayan souligne que le taux de déni de grossesse est plus important chez les femmes célibataires (Dayan, 2022, Pp.51-59). Cette dimension est importante car le couple est supposé offrir d’avantage de ressources financières, affectives, organisationnelles. Un couple jugé comme défaillant sera coté « étayage faible » car dans ce cas, il peut avoir un impact négatif (dans le cas de violences conjugales par exemple).
Les items 2 à 4 visent à cerner la mesure dans laquelle la cellule familiale prenant en charge le nouveau-né bénéficie d’un étayage dans son éducation. Certaines mamans sont ainsi isolées, sans proches ni sans transmission intergénérationnelles et ne sont pas au fait d’éléments simples, à commencer par interpréter les cris du nourrisson, ses attitudes (« mon bébé fait des bêtises »), ne savent pas comment le nourrir, les soins à prodiguer, etc.
L’entourage peut pallier aux manques et déficiences (on n'est pas parent, on le devient) et comme chaque nouvelle naissance est toujours singulière (nous avons l’habitude de dire que « toute nouvelle maternité est toujours un peu une première maternité »), la défaillance de l’entourage ou son absence n'est pas sans avoir un impact. Des fois cet entourage est restreint mais dispense néanmoins des ressources suffisantes (un papa ayant eu des enfants peut soutenir une mère qui n’en n’a pas encore eu en indiquant la nature des signaux émis par le nourrisson). Souvent cet entourage est multidimensionnel (les proches, les « commères » : item 2 ; la famille proche, item 4) et peut aider en fournissant un soutient éducatif bi-modal : envers l’enfant et envers le/les parents (item 3). En effet, garder des enfants n’est pas le seul élément que l’on peut attendre de ses proches : offrir des étayages, orienter des attitudes, empêcher la violence, etc. fait partie du soutien éducatif. Notons une observation effectuée à de rares reprises mais qui mérite d'être mentionnée car elle est originale : il s'agit de mères ayant un certain âge (plus de 40 ans) et qui ont pu maintenir ce que d'aucun nommeraient des « compétences éducatives » avec les enfants en s'occupant de leurs petits enfants. Une mère de 45 ans avec deux enfants de 25 et 24 ans dira avoir maintenu ses réflexes en s'occupant de sa petite fille (4 ans au moment de notre intervention) et de ce fait ne pas être surprise par un décalage entre les anticipations des exigences éducatives imposées par l'arrivée de son nourrisson et la réalité de la présence de ce nourrisson.
Les items 5 à 7 visent à étayer le regard du professionnel quant à la situation sociale et disons-le, dans notre cas, de situer la famille dans une dynamique de pauvreté et de migration. Le lieu de vie est jugé classique s’il s’agit d’un appartement déclaré, que la famille y vive en compagnie d’autres familles ou non. Un étayage faible, ici, correspond à des lieux de vie « en dur » de type communautaire et présentant un confort et un accès à l’eau ou à l’électricité basique. Un lieu de vie qui n’est pas jugé « classique » correspond aux squats. Ces trois modalités de vie permettent de juger en bonne partie les difficultés sociaux-économiques de la famille et surtout l’environnement direct. L’impact sur les relations parents-enfant ne sont pas neutre, nous l’avons dit. Il peut aller des « courses poursuites » avec la PAF en passant par la salubrité des lieux, les difficultés sanitaires, l’inscription dans la pauvreté, etc.
Les ruptures nationales/culturelles renvoient bien entendu à la migration, à l'exil, mais aussi à l’éloignement socio-symbolique dans le cas de personnes ayant rompu violemment ou radicalement avec le milieu socio-culturel d’origine. C’est le cas des personnes issues du fleuve vivant en dehors de tout lien avec leur communauté sur Cayenne, sans qu’il n’y ait de parcours migratoire transnational. Outre un contexte de fond, cet item peut aussi renvoyer à la nature et la profondeur des stratégies éducatives, au mal-être, etc. ayant dans tous les cas des impacts sur la relation parents-enfant. La présence d’une rupture qui sera jugée comme existante dans le discours de la personne quoique d’ampleur moindre sera cotée ‘étayage faible’ (dans le cas de personnes issue de métropole et éloignées de leur famille par exemple – même si selon les cas, cet exemple peut même donner lieu à une cotation ‘non’)
La stabilité de la situation économique varie. Soit les deux parents ont des revenus, la situation est jugée stable) soit ces revenus sont précaires voir insuffisant (‘étayage faible’) soit ils sont insuffisant sinon inexistants et potentiellement accompagnés de dettes (‘non’). Cet item est important car il permet d’appuyer sur la question de la pauvreté. La question des revenus va omnibuler certains parents et nuire de ce fait à la relation parents-enfant. Précarité et dépression puerpérale sont liées, les risques de DPP sont biens plus élevés chez les mères vivant dans des situations précaires (Bléas, 2022), constat extensible à l'ensemble des atteintes à l'intégrité psychique.
2.2-Evaluation du risque de DPP de la mère
Détail des items
1-Évidence d’un traumatisme
2-Tristesse
3-Fatigue
4-Doute
5-Larmes
6-Difficultés à s’alimenter
7-Stress
8-Anxiété
9-Perte de sens (dont stress au travail)
10-Conflits durant la grossesse/ruptures
11-Ruptures sociales et culturelles
12-Défaut de soin de la maman envers elle-même
13-Existence de peurs
14-Idées suicidaires
L’ensemble des items ici servent à évaluer les facteurs pouvant provoquer une DPP. Ils ne sont en aucun cas à considérer comme une preuve de DPP que ce soit séparément ou même si plusieurs se conjuguent, comme c'est le cas pour l'EPDS qui n'est pas non plus prédictive (Jardi, 2004). Mais ils s’inscrivent dans ce que la littérature a relevé comme étant des facteurs usuels de DPP. La cotation comprend quatre modalités : non-suspicion-avéré-critique. Ici le ‘non’ est un signe positif puisqu’il marque l’absence d’éléments reconnus régulièrement comme pouvant dégrader la relation-mère enfant.
L’évidence d’un traumatisme (item 1) peut concerner un récit faisant état de viols, d’agressions multiples, de dépression avec ou sans TS, de violences subies bref, de toute situation ayant créé ce qui relève du trauma. La cause de ce trauma ou de ces trauma va être révélée (et sera coté ‘critique’ s’ils sont prégnants ou bien ‘avéré’ s’ils font l’objet de ce que le professionnel estime être de l’ordre de la résilience). Des signes de trauma peuvent être relevés sans qu’un trauma ne soit explicité – ce qui semble normal pour un premier RDV. Cette situation sera coté ‘suspicion’ mais gagnera selon nous à être étayée par le professionnel dans les notes apposées en fin de bilan pour étayer les résultats. Des traumas multiples et importants, même s’ils font preuve de résilience gagnent selon-nous à être coté ‘Critique’ en ce qu’ils impacteront nécessairement l’inscription et le récit familial.
La tristesse (item 2) doit être explicitement verbalisée pour être coté ‘Critique’ en plus d’avoir été forte, c’est-à-dire d’avoir envahie à plusieurs reprises ou sur une période significative comparée à la grossesse, la personne interrogée. Une personne disant avoir été prise de tristesse de façon très ponctuelle (sur plusieurs heures) sans manifester de signes de tristesse autres, y compris des larmes, sera coté ‘avéré’ de même que si cette tristesse est résiduelle ou de faible ampleur. Autant dire que des niveaux de tristesse coté ‘critique’ sont nombreux dans notre patientèle. Il en va de même pour la fatigue (item 3), les larmes (item 5) et la difficulté à s’alimenter (item 6). Dans ce dernier cas, peuvent néanmoins entrer en jeu le passé (difficulté antérieures à s’alimenter) et les difficultés vécues au cours de la grossesse peuvent être relativisées, puisqu’ils sont un passage assez courant de la grossesse. Ces deux éléments nous semblent opposés dans leurs impacts : l'impossibilité de se nourrir dans le cas de vomissements gravidiques est répandu. En revanche, la difficulté antérieur à se sustenter (anorexie, boulimie) en dehors des phases de grossesses nous paraît être un prédicteur important de violences infantiles et surtout de violences sexuelles infantiles (Ray-Salmon, 2018 ; Kédia, 2013, Pp.187-192).
Doute (item 4) stress (item 7) et anxiété (item 8) doivent être discriminés et gagnent, selon nous, à ne pas être confondus. Le doute renvoie à des éléments concernant les perspectives futures, les choix de vie et la façon dont ils sont contrariés ou non par la grossesse, l’acceptation des contingences à commencer par le fait d’accepter ou non la grossesse. L'item 9 réserve une place à ce doute, relative au travail, puisque la perte de sens au travail c’est-à-dire la souffrance au travail (Lhuillier, 2006) tient selon nous une place particulière dans le déroulement de la grossesse. Il en va de même pour la problématique des ruptures transculturelles et/ou sociales entrant en résonance avec la dimension identitaires et prises en compte à l’item 11 (Ruptures sociales et culturelles). Un changement de profession questionnant, intervenant durant la grossesse ou entrant en résonance avec celle-ci par exemple du fait de bousculer les perspectives temporelles sera coté ‘avéré’ voir ‘critique’.
Le stress renvoie à des situations de tension dont l’origine peut être interne (l'origine se trouve dans le 'soi', concernant la nature des éléments auquel il faut faire face, l’appréhension des contingences, etc.) ou externe (la nature du stress est provoquée par autrui). Nous ne nous situons pas dans une perspective transactionnaliste du stress, celui-ci est selon nous toujours négatif même s’il a une fonction psychologique certaine dans les sociétés du sport, du dépassement de soi et de la compétition.
L’anxiété renvoie (peut-être improprement) à l’angoisse, elle en est l'expression inquiète et mal contenue, ou encore, pour le moment, retenue. Nous positionnons l'anxiété comme étant l'inquiétude ontologique qui sourde. L’angoisse est ontologique quand le stress demeure circonstancié quand bien même le stress peut être une des expressions de l’angoisse. Stress et angoisse tendent donc à se superposer mais il nous semble inexacte de les confondre. L’angoisse va prendre source dans les relations objectales et les expériences primaires de la personne et déterminent sa constitution et ses modalités de faire-face au réel. Les angoisses sont d’autant plus présentes que la personne a été attaquée par des éléments traumatogènes. La présence d’éléments significatif de la possible survenue de ces angoisses dans le champ symbolique (des peurs), en somme c'est « l’ombre » de l’angoisse qui est évalué à l’item 13 (« Existence de peurs »).
Des conflits durant la grossesse peuvent avoir un impact significatif sur le déroulé de l’accouchement en créant des pics de tension par exemple et en conduisant à des situation de pré-éclampsie voir d'éclampsie (Bayle, Chavagnat et Gressier, 2017). Ces conflits ou ruptures peuvent prendre source dans le départ du conjoint, des disputes, des violences. Elles concernent aussi la perte d’un proche, des pertes de sens exacerbés (cet item peut, si le professionnel l’estime pertinent, être dans certains cas coté ‘critique’ et renvoyer en plus à une perte de sens au travail), des accidents, ou des éléments traumatogènes survenus au cours de la grossesse ou éventuellement (là encore l'estimation est à la discrétion du professionnel) juste avant la grossesse.
Enfin, l’absence de soin de la mère envers elle-même, que ce soit durant la grossesse ou post-partum, sera évaluée à l’item 12. Cet item renvoie potentiellement au dernier item de cette partie, la présence d’idées suicidaires. Ces idées peuvent être présentes au moment de l’entretien ou bien avoir suscité un passage à l’acte bien avant la grossesse, ce qui sera alors coté ‘Critique’. La présence ‘d’idée noires’ voilées ou dont le psychologue ne s’est pas encore totalement assuré de la présence, ou même juste supputés par le professionnel sera coté ‘avéré’ ou bien ‘suspicion’ si les conditions objectives sont présentes et associés à de la tristesse par exemple.
2.3-Evaluation du risque de psychose puerpérale
Les items ici ont le même système que précédemment. Ces items visent à déterminer dans quelle mesure une investigation plus poussée d’un PPP gagnerait à être réalisée.
Détail des items
1-Défaut de soin de l’enfant
2-Déni/incompréhension des signaux émis par l’enfant
3-Clivage haine/amour envers l’enfant
4-Envie de faire du mal
5-Hallucinations/Délire
6-Passage à l’acte suicidaire
7-Ruptures de parcours subies
8-Troubles psychosomatiques
Cette partie-ci de la grille, de par la violence à laquelle elle fait référence peut difficilement faire l’objet d’un entretien directif – surtout lors du premier entretien. Avant de l'aborder en détail, le cadre et la confiance doivent selon nous être étayés.
De fait, le lien mère-enfant basé sur une protection de la première envers le second est survalorisé, il n’est pourtant pas naturel ni systématique. « Aimer » un enfant qui n’est pas désiré ou désiré par un compagnon qui manifestement ne désire pas sa compagne, peut aisément conduire à l’émergence d’une détestation de l’enfant par la mère – détestation à laquelle renvoie néanmoins toujours, selon nous, un amour, amour qui peut être mis en perspective avec l’image que la mère a d’elle-même. C'est que selon-nous, nous l'aborderons dans une autre article, le visage de l'enfant renvoie à une éthique fondamentale, si l'on se fonde sur la pensée d'Emmanuel Lévinas. La présence du visage de la mère pour le bébé et celui du bébé pour tout un chacun est la révélation insondable de l'énigme humaine et de sa « lématisation » par cette double face que révèle le bébé : force du futur-faiblesse du présent. En attendant, l’item 3 vise à mesurer la présence de ce clivage qui peut se doubler d’une véritable envie de faire du mal à l’enfant (item 4). Néanmoins le fait que la mère ne soit pas en mesure d’identifier les signaux émis par l’enfant (item 2) peut renvoyer à un déni ou à une incompréhension. Cette incompréhension si elle est forte se doublera à priori d’un score élevé aux items de la DPP et à un manque d’étayage communautaire (2ème partie de la grille). Cette corrélation peut aussi causer une PPP. Le défaut de soin apporté à l’enfant peut être souhaité (des envies de violences peuvent exister sans qu’il n’y ait de passage à l’acte) ou effectif, ce qui est évalué par l’item 1.
La présence d’hallucination ou de délire notamment à l’accouchement ou juste après sont un signe majeur de PPP (item 5) ; des délires ayant un potentiel impacts sur la grossesse et survenue un certain temps auparavant peuvent être cotés ‘avérés’ au lieu de ‘critique’, en fonction de leur ampleur et de la signification qui peut leur être conférée. Les sensations de vécu de clivage (« je n’étais plus moi-même ») peuvent être cotés ‘suspicion’ si le professionnel Il en va de même au niveau des troubles psychosomatiques (item 8) ou des passages à l’acte suicidaires (item 7). Les symptômes propres à la psychose tendront à apparaître suite à des situations de vécu de ruptures de parcours (cf item 6 de la 1ère partie).
Dans tous les cas, les justifications des réponses à ces items nous paraissent devoir s’appuyer pour ne pas dire justifiés par un texte de présentation de la situation
2.4-Notes complémentaires
Il nous semble important de mentionner à l'issue du bilan psychologique permis par cette grille, de prendre le temps d'apposer un paragraphe détaillant le ou les entretiens sur lesquels ils reposent. Le cadre mérite d'être détaillé, les postures, les hypothèses, etc.
C'est avec la parole du psychologue, selon-nous, que les cotations prennent sens.
Nous avons ainsi l'habitude de détailler non seulement le détail de l'entretien en évoquant ce qui a conduit à la cotation de cette grille mais aussi à lister et éventuellement détailler les mécanismes de défenses supputés, et hypothèses d'analyses à suivre.
Les modalités de suivi sont aussi mentionnées.
Bibliographie
Bayle, B., Chavagnat, J. & Gressier, F. (2017). 23. Les traumatismes psychiques maternels en périnatalité. Dans : Benoît Bayle éd., Psychiatrie et psychopathologie périnatales (pp. 209-220). Paris: Dunod
Bléas, A. (2022). Femmes et santé mentale. VST - Vie sociale et traitements, 155, 116-121.
Dayan, J. (2022). Chapitre IV. Le déni de grossesse. Dans : Jacques Dayan éd., Les dépressions post-partum (pp. 51-59). Paris cedex 14: Presses Universitaires de France.
Galley-Raulin, F. (2007). Chapitre 1. Le psychologue clinicien à la maternité. Dans : Silke Schauder éd., Pratiquer la psychologie clinique auprès des enfants et des adolescents (pp. 29-82). Paris: Dunod.
Jardri, R. (2004). Le dépistage de la dépression postnatale : revue qualitative des études de validation de l'Edinburgh Postnatal Depression Scale. Devenir, 16, 245-262.
Kédia, M. (2013). 25. Troubles du comportement alimentaire. Dans : Marianne Kédia éd., L'Aide-mémoire de psychotraumatologie: En 49 notions (pp. 187-192)
Rey-Salmon, C. (2018). Les violences sexuelles sur mineurs : diagnostic médical, constats et perspectives. Les Cahiers de la Justice, 1, 55-64.
Sur l'entretien périnatal précoce :
Dugnat, M. (2007). Pour un entretien prénatal précoce, pivot d'une prévention périnatale prévenante. Santé Publique, 19, 177-179
Gonnaud, F. (2011). 27. L'entretien prénatal précoce : comment ça marche ?. Dans : Luc Roegiers éd., Stress et grossesse: Quelle prévention pour quel risque ? (pp. 235-242). Toulouse: Érès.
Molénat, F. (2016). Les leçons à tirer d’une évaluation qualitative des pratiques périnatales sur le versant « sécurité globale » 2005-2015: Peut-on dégager des mécanismes reproductibles au travers des avancées et des obstacles ?. Dans : , F. Molénat, Naissances : pour une éthique de la prévention (pp. 103-123). Toulouse: Érès